Pour cette 2ème édition, on a donné rendez-vous à une quinzaine de personnes au col de Merdassier. La suite : 15 minutes de marche sur les sentiers enneigés de Manigod en direction du chalet Vé la Marie à Noré, chez Nicolas Rolland, dans un de ces endroits de montagne propice à la confidence et à l’échange…
Concernant la thématique de cette matinée, on tenait à parler d’un sujet qui nous est cher car trop souvent mal compris : les tendances Brand Content. Nous avons donc demandé à trois experts, ayant chacun des expériences différentes (et réussies) en la matière, d’intervenir : Pierre-Jean Rueda, Helena Celestini et Kilian Bron. Résumé des pensées partagées ce vendredi 29 janvier.
Pierre-Jean Rueda : des prémices du brand content à la communication engagée de l’industrie du sport
Pour commencer son intervention, « PJ » Rueda (ex-Dakine, ex-Nike, actuellement consultant pour différents acteurs du sport) nous a plongé dans les prémices du contenu de marque (aka brand content) à l’aide d’un exemple que tout le monde connaît encore aujourd’hui : le guide Michelin. Dans les années 1900, la marque au bibendum avait été bien inspirée en décidant de lancer un guide n’ayant pas de lien direct avec ses produits, mais avec la restauration et les commerces qui « valaient le détour ». L’objectif était clair : jouer sur l’affect des consommateurs et les inciter à voyager en voiture plutôt que d’axer sa communication uniquement sur la technicité de ses pneus. Touché !
Si cet exemple s’est avéré aussi pertinent, c’est aussi parce qu’on peut l’appliquer directement au milieu de l’outdoor. Depuis toujours, les activités de notre secteur ne sont pas uniquement synonymes de compétition et de résultat mais également d’évasion et de plaisir :
« Le surf, le skate, le ski, l’escalade sont des sports qui ne sont pas uniquement basés sur la compétition. Là où pour vendre des chaussures de course à pied il est assez facile d’utiliser le meilleur athlète pour dire que « s’il gagne, c’est qu’il a les meilleurs produits », c’est beaucoup plus difficile de le faire pour des sports qui ne sont pas basés exclusivement sur la compétition. »
C’est dans cet état d’esprit que les marques ont intégré de plus en plus fréquemment le brand content à leurs stratégies de communication, afin de toucher le consommateur au niveau de ses émotions. Aujourd’hui, cette réalité est même poussée à son paroxysme. S’il fut un temps où chez Nike, la phrase « Even republicans buy shoes! » faisait office de mot d’ordre, force est de constater que la marque à la virgule affiche aujourd’hui un engagement bien plus fort en soutien des « minorités ».
Pour quelle raison ? Tout simplement car il faut se positionner auprès des consommateurs de demain, ces 16-18 ans dont les actes d’achats sont de plus en plus motivés par les valeurs qu’ils souhaitent véhiculer. Il n’y a qu’à regarder l’âge moyen des personnes qui portent du Patagonia en ville pour s’en convaincre…
Le brand content doit donc mettre en valeur les convictions (authentiques) de la marque, les causes qu’elle défend.
Helena Celestini : les clés de la campagne Salomon WMN
En parlant d’engagement sociétal, la transition était toute trouvée pour laisser la place à Helena Celestini, Global Brand Sport Specialist chez Salomon et qui a fortement contribué à la création et la gestion de la campagne Salomon WMN.
À l’origine de ce projet, plusieurs constats :
- Une marque perçue comme très orientée vers la performance, peu accessible.
- Un déséquilibre entre une image très masculine et une réalité de marché puisque les femmes représentent 50% de la totalité de sportifs (et sportives donc !).
Salomon a donc décidé de déployer cette campagne sur plusieurs saisons et même plusieurs années, afin de réussir à transmettre un message avec consistance en se basant sur des actions engageantes. Pour qu’il soit efficace, le déploiement de la campagne s’est fait sur le digital (storytelling, jeux-concours participatifs, hashtag, ads, etc.) mais également par le biais d’actions physiques (rassemblement, photoshoots avec des consommatrices, etc.)
La conséquence a été assez directe : « On a rendu la marque accessible. »
Grâce à ces différentes actions, la marque a non seulement amélioré son image auprès de la cible initiale de la campagne, mais a également largement augmenté sa notoriété globale, tous genres confondus !
Au delà des actions entreprises, le timing et la conjoncture ont également joué un rôle crucial. En effet, à l’heure où la libération de la parole des femmes a été un sujet central dans les sociétés occidentales, notamment par le biais du hashtag #MeToo, cette campagne s’inscrivait dans un mouvement qui dépasse très largement le cadre du sport.
Bref, un succès que l’on ne présente plus mais dont les explications ont permis de souligner quels en avaient été les facteurs déterminants.
Kilian Bron : athlète de haut-niveau et créateur de contenu
« Aujourd’hui mon boulot, c’est la création de contenu et l’image ».
Quand un athlète de haut-niveau, professionnel du VTT depuis 10 ans commence son intervention avec ce genre de phrase, il annonce la couleur. Et pourtant, Kilian Bron continue d’être performant au plus haut niveau, preuve qu’il est possible d’allier les deux.
Il insiste d’ailleurs sur l’importance qu’a eu son entourage en l’incitant à ne pas se focaliser uniquement sur sa pratique sportive :
« Je pense qu’il y a beaucoup d’athlètes qui ont été orientés exclusivement sur la course et qui passent peut-être à côté de quelque chose. »
Au cours de sa présentation, l’athlète qui produit régulièrement des vidéos qui cumulent plusieurs millions de vues (comme ici ou là) est également revenu sur les formats qui fonctionnent le mieux sur Instagram, sur YouTube, en story, sur la structure qui fait qu’une vidéo sera performante ou non… Masterclass.
Là encore, on a bien retenu que le prisme de la performance n’était que rarement le bon pour réussir à fédérer et émouvoir une communauté. Vous trouverez d’ailleurs un certain équilibre dans les contenus qu’il publie entre sport et nature, engagement et contemplation…
L’authenticité, clé de voute d’une stratégie de brand content réussie
Alors comme souvent lorsqu’on est en compagnie de gens passionnés et impliqués, les échanges ont été riches et les questions pertinentes.
« N’est-il pas dangereux de politiser son discours en tant que marque, au risque de perdre une partie importante de son audience ? » demandait l’un des invités.
Forcément, adopter un discours engagé et donc potentiellement clivant peut faire perdre quelques parts de marché… mais cette attitude peut surtout en faire gagner beaucoup plus !
Attention toutefois à ne pas se positionner uniquement dans sa communication, sans pour autant mettre en place des actions concrètes : le fairwashing* n’est assurément pas la meilleure des stratégies.
Si l’on devait trouver un dénominateur commun aux 3 interventions qu’on a eu le plaisir d’écouter, c’est certainement celui de l’authenticité. L’époque des photoshoots trop léchés est révolue, et il apparait essentiel d’articuler sa stratégie de contenu autour d’actions réelles, d’actions dans lesquelles la consommatrice / le consommateur peut facilement s’identifier.
« Le brand content n’est plus que le reflet de la brand action » (PJ Rueda), car il est toujours plus simple de raconter des actions qu’on fait plutôt que de les inventer ! CQFD.
Merci à nos 3 intervenants d’exception et à l’audience présente ce jour-là. Les débats nous ont d’ailleurs permis d’alimenter notre réflexion sur les prochaines thématiques à aborder lors de la 3ème édition de Next Door…
*Le fairwashing (ou blanchiment éthique), consiste à afficher des engagements éthiques (respect du droit des travailleurs, des droits sociaux, de l’environnement…) à des fins purement marketing.